Chroniques de la Rive-Sud 1947-1997

Michel Pratt

 
 

1969- Longueuil et Jacques-Cartier se fusionnent

En 1969, Longueuil est une sympathique petite ville de 26 500 habitants répartis sur un territoire d'à peine 2 000 acres. La cité de Jacques-Cartier, quant à elle, connaît un essor fulgurant depuis sa création, en 1947. C'est l'exemple typique d'une ville-champignon. En 1969, elle compte 66 820 personnes réparties sur un territoire de 15 000 acres. La cité de Jacques-Cartier possède un parc industriel près de l'autoroute 20 et son avenir semble très prometteur.

Depuis 1966, Roland Therrien est à la mairie. Grand Chevalier des Chevaliers de Colomb de Longueuil, il compte davantage d'amis à Longueuil qu'à Jacques-Cartier. Il fut d'abord élu comme conseiller municipal du quartier Bellerive, grâce à une équipe qui était alors favorable à l'annexion par Longueuil de ce secteur, en 1961. Longueuil dut cependant plier l'échine devant la résistance de l'équipe de Léo-Aldéo Rémillard.

Dans la foulée de la publication des rapports Lemay, de 1966 à 1968, qui préconisèrent une fusion de quelques municipalités de la Rive-Sud, les maires de Longueuil et de Jacques-Cartier annoncent, au printemps de 1969, qu'ils en sont venus à une entente de principe sur la fusion des deux villes. L'opinion publique n'est pas prête à de tels changements, et l'opposition ne prend pas de temps à se mettre en branle. L'Association des propriétaires de Jacques-Cartier, dirigée par Paul-Auguste Briand et celle de Longueuil, dirigée par Gilles Leduc, s'opposent au projet. Les raisons sont cependant diamétralement opposées.

Les gens de Jacques-Cartier estiment que leur ville est plus industrialisée, plus grande et sa population plus nombreuse que celle de Longueuil. Les sources de revenus sont conséquemment plus élevées qu'à Longueuil.

Les gens de Longueuil estiment que la dette per capita de Jacques-Cartier est trop élevée à 792 $ contre 495 $ pour Longueuil. Il ne faut donc pas faire supporter à Longueuil le poids de cette dette.
Ces explications, purement administratives et quantifiables, dissimulent des raisons culturelles et sociales beaucoup plus profondes. Jacques-Cartier est une ville ouvrière, fière de ses origines et du chemin parcouru depuis sa création. La population de Longueuil est plus à l'aise sur le plan financier et plus scolarisée. Il n'est pas rare de voir la bourgeoisie longueuilloise signaler la mauvaise réputation de ses voisins. Les frictions et les rivalités étaient nombreuses entre les deux communautés au cours des années 1950 et 1960.

Un projet d'une telle envergure aurait dû commander automatiquement un référendum, ce qu'exige le Parti québécois, nouvellement créé. Mais les sondages ne sont pas très favorables, surtout dans le Vieux-Longueuil. Avec l'accord du ministre des Affaires municipales Robert Lussier, les deux maires procèdent à la fusion, sans consultation, sous prétexte que les coûts d'une telle opération seraient trop élevés.

Il ne reste qu'à trouver le nom de la nouvelle ville. Le débat est très bref. Comme l'avait souhaité Paul Pratt dans son testament politique, la nouvelle ville conserve le nom de Longueuil pour des raisons historiques : fondée en 1657, la seigneurie porta très tôt le nom de Longueuil et engloba, suite à une expansion, le territoire des deux villes.

Il ne faut pas croire que tout baigne cependant dans l'huile. Qui va tenir le haut du pavé? La situation est complexe : deux administrations, des accréditations syndicales différentes, sans oublier l'ego des personnalités politiques.

Dans cette négociation, l'équipe politique de Longueuil sort nettement gagnante. Le maire Therrien devient le premier maire, jusqu'au 1er novembre 1969, soit à peine trois mois; Marcel Robidas termine le mandat de maire jusqu'aux élections de novembre 1970. Pour ce qui est des conseillers, seuls ceux qui avaient manifesté des réserves ou des critiques sur la fusion sont écartés du nouveau conseil: Paul-Auguste Briand, de Jacques-Cartier, élu cette année-là dans une élection complémentaire, et Jean-Paul Renaud, de Longueuil. Le conseil municipal de la période transitoire, assermenté le 17 août 1969, est donc composé ainsi : Jacques Bouchard, Fernand Bouffard, Lorenzo Defoy, Thomas Dubuc, Gilles Gravel, Henri Joncas, Roger Lachapelle, Léo Lafrance, Jean-Jacques Lemieux et Roméo Paré.

Quant à la fonction publique, la Cité de Jacques-Cartier réussit à imposer son directeur général, Fernand Poiré, alors que la Ville de Longueuil lui impose comme adjoint et directeur des finances L.-Paul Gagnon, ancien grand manitou de la gestion municipale de Longueuil. Jean-Guy Curzi, de Longueuil, occupe le poste de directeur technique et Robert Boiteau, de Jacques-Cartier, celui de greffier. Au poste de directeur de la police, Paul Charron, directeur du service de la police de Longueuil de 1956 à 1963 et de Jacques-Cartier de 1963 à 1969, doit se contenter du poste d'adjoint à Pierre Messier, directeur du poste de Longueuil.

Le 1er octobre, le conseiller Roméo Paré démissionne de son poste de conseiller et est remplacé par Roger Quézel. Le 17 octobre suivant, Roger Frappier, directeur du Service des loisirs, remet également sa démission; il est remplacé, le 1er janvier suivant, par Serge Robillard. Le conseil municipal octroie à Jean-Guy Roy le poste de directeur général du Centre culturel; il engage également Yves Ouimet au poste de bibliothécaire.

Soulignons que l'Office municipal d'habitation de Longueuil, constituant une corporation sans but lucratif pour fins d'acquisition, de construction et d'administration d'immeubles à loyer modique pour les personnes ayant un faible revenu, reçoit son incorporation le 6 février.

La Commission scolaire de Jacques-Cartier fait construire l'école Georges-Étienne Cartier, selon les plans de l'architecte Maurice Archambault. Elle procède aussi à l'ouverture de l'école Lionel-Groulx. Il faut noter que la fusion des deux villes n'entraîne pas celle des deux commissions scolaires.

La Ville de Longueuil procède à un jumelage avec la ville de Whitby, en Ontario.

Le centre diocésain, pavillon administratif du diocèse de Saint-Jean - Longueuil, s'établit à l'angle du boulevard Sainte-Foy et de la rue Bourassa. L'édifice est construit par Poulin et Mercier, selon les plans des architectes Pierre Beauvais et Camille Lusignan. Suite au décès d'Armand Racicot, curé de la paroisse de Saint-Pierre-Apôtre, Maurice Laforest devient le nouveau curé de cette paroisse. Jean-Louis Yelle remplace Alexandre Beauvais comme curé de la paroisse de Sainte-Louise-de-Marillac. Il demeure à ce poste jusqu'en 1974. Les soeurs de la congrégation de l'Adoration Perpétuelle du Sacré-Coeur quittent la paroisse de Saint-Pierre-Apôtre où elles s'étaient installées en 1961. On fonde le Carrefour Le Moutier, lieu, à l'origine, de rencontre des jeunes, situé dans l'édifice du métro de Longueuil.

Le groupe Mercille construit, selon les plans de l'architecte D. H. Gorman, le domaine d'Auvergne.

À Boucherville, on inaugure, dans la paroisse de Saint-Louis, le premier centre communautaire du diocèse, d'allure très moderne et qui se caractérise par la polyvalence de son utilisation. On restaure, selon les plans de l'architecte Claude Beaulieu, l'église Sainte-Famille.

Le Courrier du Sud fait un bond prodigieux en augmentant son tirage de 26 000 à 60 000 exemplaires. Il dessert les municipalités qui s'étendent de Boucherville à Brossard.

Décès

Racicot, Armand, curé fondateur de la paroisse de Saint-Pierre-Apôtre.

Dubuc, Hilaire, conseiller municipal de Longueuil de 1929 à 1937.

Favreau, Lucien, conseiller municipal de Montréal-Sud de 1942 à 1944.

Forest, Évariste, conseiller municipal de Jacques-Cartier de 1947 à 1949.

Gareau, Arthur, conseiller municipal de Longueuil de 1923 à 1931 et de 1935 à 1943.

Labonté, Joseph, industriel et fondateur d'une entreprise de semences, d'engrais et d'insecticides, sur le chemin de Chambly.

Lécuyer, Willie, président fondateur de l'Office des terrains de jeu de la paroisse de Saint-Pierre-Apôtre.

1970

L'année 1970 promet un certain suspense, à Longueuil, puisque les premières élections, depuis la fusion, vont enfin permettre aux citoyens de manifester leur humeur politique. Marcel Robidas promet de ne pas augmenter les taxes pour les deux premières années, mais il a de l'opposition.La course se fait à trois candidats: Marcel Robidas, Georges Darveau et Paul Viau. Malgré cette division du vote, le maire Robidas remporte assez aisément son élection. Il s'assure de l'appui de quatre candidats du Parti civique soit Jean-Jacques Lemieux, Paul-Émile Paquin, Gilles Gravel et Jacques Bouchard; l'équipe de Georges Darveau fait élire Guy D'Amours et Paul-Auguste Briand alors que les indépendants Gilles Leduc et Fernand Bouffard complètent la formation du conseil.

L'élection est dramatique pour le conseiller Thomas Dubuc, qui fut le seul conseiller à faire partie de tous les conseils municipaux de l'histoire de la Cité de Jacques-Cartier. Il perd en effet cette élection à la faveur de Jean-Jacques Lemieux. Il n'en demeure pas moins, encore aujourd'hui, le conseiller qui conserve la plus longue longévité politique de l'histoire municipale de Longueuil, soit 23 ans.

Le 17 juillet, Claude Gauthier remplace Robert Boiteau au poste de greffier de la Ville. René Corbeil devient l'assistant-greffier.

René Perron devient le troisième curé de la paroisse de Saint-Pierre-Apôtre. Il occupe ce poste jusqu'en 1980. Le révérend Bonathan quitte l'église St. Mark après 35 ans de service.

Le 29 octobre, des élections provinciales très émotives passionnent l'opinion publique. Pour la première fois de l'histoire politique du Québec, un parti prône fermement la souveraineté du Québec, tout en préconisant des mesures sociales importantes. Sur le plan provincial, le Parti québécois récolte 23 % des voix et fait élire 7 députés sur 108. Sur le plan local, la ville est représentée par les circonscriptions de Taillon, l'ancien Jacques-Cartier, et de Chambly, le Vieux-Longueuil. Guy Leduc, du Parti libéral du Québec, remporte les élections sur Jacques-Yvon Lefebvre, du Parti québécois, par 16 501 votes contre 11 138. Le ministre Pierre Laporte n'a guère de difficulté à faire mordre la poussière à son jeune adversaire, l'avocat Pierre Marois, en récoltant 25 641 votes contre 14 368. Cette élection laisse des séquelles. Frustrés de ne pas obtenir un nombre de sièges équivalant en pourcentage au nombre de votes exprimés, de jeunes polémistes fondent une cellule du Front de Libération du Québec qui séquestre le ministre Laporte; il est ensuite retrouvé sans vie dans le coffre d'une automobile, près de l'aéroport de Saint-Hubert. La crise d'octobre 1970 demeure une des rares pages de notre histoire qui soit teintée de violence politique.

Boucherville devient une des premières villes à être dotée d'un ciné-parc, près de la route 20, à la sortie Montarville. Sur le plan politique, le maire Clovis Langlois est reporté, de justesse, au pouvoir. Le reste du conseil est composé de conseillers indépendants : Jean-Claude Cuerrier, Jean-Claude Jodoin, Yves Julien, Lionel Létourneau, Jean-Paul Provost et Léopold Sénécal.

La Ville de Brossard fait construitre une patinoire intérieure à l'angle des rues Milan et Rome. Sur le plan politique, toute l'équipe du maire Léon Gravel est reportée au pouvoir.

À Saint-Lambert, J.A. Lalonde, conseiller municipal depuis 1960, est porté à la mairie, respectant ainsi le principe de l'alternance entre un anglophone et un francophone.

À Saint-Hubert, on procède aux travaux de réaménagement de la jonction des routes 1, ou chemin de Chambly, et 9, aujourd'hui la 116. Cet échangeur ou "rond point", comme on disait à l'époque, avait été la source de nombreux accidents mortels. On amorce aussi la construction du boulevard Cousineau. On fonde le Club de l'Âge d'or de Saint-Hubert, sous la présidence de Georges Jutras. L'Association des loisirs de Laflèche, sous la présidence de Jeannine Roland, fonde le Club de l'Âge d'or Laflèche.

André Mercier devient curé de la paroisse de Saint-Hubert, en remplacement de Joseph Beauvais.

Décès

Laporte, Pierre, député de la circonscription de Chambly, de 1961 à 1970. Minsitre des Affaires municipales de 1962 à 1966 et ministre du Travail en 1970.

Therrien, Roland, ancien maire de Jacques-Cartier, de 1966 à 1969, et premier maire après la fusion de Longueuil et de Jacques-Cartier.

 

Haut de la page