Même si entre 1660 et 1730 le territoire des seigneuries est largement occupé par des concessions d'une assez grande étendue, le développement des villages n'en commence pas moins à prendre forme.

Comme on l'a mentionné, le village se greffe aux alentours du domaine seigneurial. Les seigneuries de La Prairie de la Magdeleine, de Boucherville, de Pointe-aux-Trembles et de Fargy, à Beauport, sont les seules de la Nouvelle-France où le village a pris forme dès la concession des premiers lots.


Le plan du village de La Prairie étonne quelque peu. Les bâtiments religieux, contrairement à ceux de Longueuil et de Boucherville, sont en retrait, à plus de 110 mètres du fleuve, à l'extrémité est du village et derrière le domaine seigneurial. Le regroupement est cependant classique: église, presbytère, couvent et cimetière, très près les uns des autres.

La première église épouse le même angle que l'église actuelle et ne fait donc pas face au fleuve, contrairement à la disposition de l'église de 1705.

Les terrains sont parfaitement perpendiculaires au fleuve et s'étendent de la rue Saint-Georges au chemin Saint-Jean, les terrains situés entre la rue Saint-Jean et la rue du Boulevard étant principalement réservés au domaine seigneurial et aux bâtiments religieux. Outre le chemin du bord de l'eau, la rue Saint-Ignace traverse le village dans le sens est-ouest, parallèlement au fleuve. La rue Sainte-Marie, parallèle au fleuve, sépare le domaine seigneurial des bâtiments religieux.

En 1762, Murray relève, outre la présence de l'église, celle de 40 bâtiments dans le village.


Dans la baronnie de Longueuil, au début des années 1700, existent déjà le château fort, le manoir, le moulin banal, une brasserie, une boulangerie, le cimetière et la commune.

Le seigneur fait cultiver de l'orge dès 1690. Le premier brasseur connu est André Cibert. Si la brasserie est une entreprise fort lucrative, sa location coûte trois fois plus cher que le moulin, et cinq fois plus que la location de l'île Sainte-Hélène. On y distille aussi de l'eau-de-vie. Pendant le Régime français, on ajoutera, de biais au moulin à vent situé près du ruisseau Saint-Antoine, un moulin à eau.

La boulangerie est construite en 1673. Elle est « de massonne, a pierre et mortié bastard, avec sa cheminée, de la longueur d'un pent d'un des pignons de la maison seigneurialle…de la largeur de quinze piedz sur sept piedz de hauteur, a dix piedz d'esquille, deux demye pignons et deux fours, l'un de quatre minots, et l'autre d'un minot aussy de massonne… »

Tout le village de la baronnie de Longueuil est situé à l'est du château fort. La porte centrale de ce château fort ne fait pas face au fleuve, mais à la rue Saint-Charles Est; d'ailleurs, un boisé très dense le sépare du fleuve.

Le château fort est un bâtiment de 68 mètres de front par 46 mètres de profondeur construit pour Charles II Le Moyne, à son retour de France, de 1696 à 1698, à l'emplacement actuel de la cocathédrale Saint-Antoine et de la Caisse populaire, à l'angle du chemin de Chambly et de la rue Saint-Charles. Composé de quatre tours, le fort contient aussi certaines dépendances dont une écurie, une chapelle et une grange. Le premier baron y réside parfois, le second baron davantage. Le fort sert également, jusqu'en 1701, à protéger les Longueuillois contre d'éventuelles attaques iroquoises, particulièrement importantes dans les années 1690. L'épouse de Charles Le Moyne fils, Élisabeth Souart d'Adoncourt, quitte d'ailleurs la Nouvelle-France pour la France, en 1690: elle ne revient pas avant 1696. Le fort est occupé par les troupes américaines en 1775, alors que celles-ci sont en guerre contre les Britanniques. Le château est démoli, en 1810, pour faire place à la construction d'une nouvelle église, à l'angle sud-ouest de la rue Saint-Charles et du chemin de Chambly.

Les premières maisons construites sur la rue Saint-Charles, du côté nord, datent du milieu des années 1730 alors que celles du côté sud datent du début des années 1750. Les maisons du côté nord, ont le double de profondeur, leur terrain faisant face au fleuve. Ainsi en est-il de la maison en pierres, avec de grandes cheminées aux murs-pignons, que le forgeron Daniel Poirier a construite, vers 1749. Il en est de même de la maison en pierres construite en 1740 pour Louis Briquet et qui constitue aujourd'hui la partie centrale de l'ancien couvent des sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie. Est également construite en 1740, à l'extrémité du village, la maison d'André Lamarre, une bâtisse de pierres, à toit incliné à deux versants.

En 1762, Murray relève, outre l'église, la présence de 47 bâtiments dans le bourg.


Plan du village de Longueuil en 1750

 
 

Noms, côté sud,

Dimensions Concession Noms, côté nord, Dimensions Concession
  d'ouest en est   d'ouest en est  
  Louis Briquet 55 m x 46 m 1740      
  André Lamarre   Delière 55 m x 55 m 1755
  Pascal Thuot 27,4 m x 27,4 m 1749 André Lamarre 55 m x 27,4 m  
  Daniel Poirier 27,4 m x 27,4 m 1749 Lajeunesse 27,4 m x 55 m 1736
  Toussaint Benoit 27,4 m x 27,4 m 1755 Cherrier 27,4 m x 55 m 1736
  Toussaint Trudeau 27,4 m x 27,4 m 1754 Cherrier 27,4 m x 55 m 1736
  Toussaint Benoit 27,4 m x 27,4 m 1753 É. Patenaude 55 m x 55 m 1736
   Ferme Lamarre  


Dans le cas de la seigneurie de Boucherville, l'implantation du bourg a été beaucoup plus rapide. Dès 1673, Pierre Boucher accorde à 20 personnes un lot d'un demi-arpent de terre de front par deux de profondeur. L'acte fait mention de l'existence de trois rues: la « grande rue Nre dame qui Court nord & sud » et la « rue St Pierre quy Court Est & Ouest » et « un boult de chemin qui passe pardevt la Riviere dud fleuve ». La rue Saint-Pierre est aujourd'hui la rue Hippolyte-Lafontaine. Ces terres sont concédées avec obligation d'y construire dans les trois mois qui suivent la concession.


Les habitants du bourg de Boucherville sont tous des censitaires qui possèdent également une terre.

Le contraste est frappant entre le bourg et les environs: densité de population et concentration des bâtiments dans le bourg contre l'éparpillement des fermes et la faible population dans la campagne.

Tout comme à La Prairie, la disposition des terrains dans le bourg est parfaitement perpendiculaire au fleuve.

La formation du village est donc fort originale, le bourg s'étant implanté simultanément au développement des terres agricoles.

Au recensement de 1724, on compte 60 emplacements dont 43 sont construits, le tout réparti sur une superficie de 12 arpents.

En 1762, Murray relève, outre l'église, la présence de 47 bâtiments dans le bourg.

 

  Denis Veronneau  
  Thomas Frérot de la Chenest
  René Rémy Champagne
  Jean Gareau Saintonge
  Jacques Ménard Lafontaine
  Pierre Sauchet Larigueur
  Pierre Gaulard Dupuy
  Christophe Février Lacroix
  Simon Caillouet
  Pierre Larrivée
  Antoine Daunais
  Louis Louvinel
  Jean Lafond Fontaine
  Pierre Bourgery
  Pierre Chaperon
  Jean Bellet Chausse
  Léger Baron
  Louis Robert Lafontaine
  Joachim Reguindau
  Lucas Loiseau