Comme on l'a mentionné, le territoire de la nouvelle ville englobe des parties des territoires des seigneuries de La Prairie de la Magdeleine, de Longueuil, de Boucherville, de Varennes et de Montarville. Le régime seigneurial n'est ni plus ni moins qu'une transplantation en Nouvelle-France d'un système établi en France. Ce régime impose de fait deux classes sociales, celle des propriétaires-seigneurs et celle des censitaires. Il y a toutefois quelques nuances entre le régime seigneurial des deux pays. Les seigneurs de la Nouvelle-France ne sont pas tous des nobles, comme en France, et ne sont pas tous très riches.

Au début de la colonisation, la gestion de la Nouvelle-France avait été octroyée à des compagnies de commerce comme la compagnie de Montmorency, de 1620 à 1626, et la Compagnie de la Nouvelle-France, dite aussi Compagnie des Cent-Associés,de 1633 à 1663. Ce sont donc ces compagnies qui octroyaient

Vieux moulin des Jésuites à La Prairie.

Vieux moulin des Jésuites à La Prairie.
Carte postale. Collection Michel Pratt.

des seigneuries, même si le roi devait en approuver l'attribution. En 1663, compte tenu des grandes difficultés financières de la Compagnie de la Nouvelle-France et de son retrait de la colonie, le roi Louis XIV prend le contrôle de la gestion de la Nouvelle-France tout en y déléguant un intendant et un gouverneur.

Ce sont donc ces compagnies qui octroyaient des seigneuries, même si le roi devait en approuver l'attribution. En 1663, compte tenu des grandes difficultés financières de la Compagnie de la Nouvelle-France et de son retrait de la colonie, le roi Louis XIV prend le contrôle de la gestion de la Nouvelle-France tout en y déléguant un intendant et un gouverneur.

La seigneurie de La Prairie de la Magdeleine a la particularité d'être gérée par les Jésuites. Toutes les seigneuries sont cependant édifiées selon le même modèle.


Le seigneur obtient généralement une concession en raison des services rendus dans la colonie. Dans le cas de la seigneurie de Longueuil, Charles Le Moyne avait rendu de nombreux services à la Couronne comme interprète auprès des Amérindiens; c'était également un guerrier reconnu.

« …Les Roys, nos prédécesseurs ayant estimé que l'honneur était le plus puissant motif pour porter leurs sujets aux généreuses actions, ont pris soin de reconnaître par des marques d'honneur ceux qu'une vertu extraordinaire en avait rendu dignes: et comme nous sommes informés des bonnes actions que font journellement les peuples en Canada, soit en réduisant ou disciplinant les sauvages, soit en se défendant contre leurs fréquentes insultes, et celles de Iroquois, aussy nous avons estimé qu'il était de notre justice de distinguer par des récompenses d'honneur ceux qui se sont le plus signalés pour exciter les autres à imiter de semblables grâces: à ces causes, et désirant traiter favorablement notre cher et bien aimé Charles Le Moyne, Sieur de Longueuil pour le bon et louable rapport que nous a esté fait des belles actions qu'il a fait dans le dit pays du Canada et pour autres considérations à ce nous mouvant et de notre grâce spéciale pleine puissance et autorité royale, nous avons annobly et par ces présentes signées de notre main annoblissons et décorons du titre de Noblesse et le dit Charles Lemoine, ensemble sa femme et enfants, postérité et lignée, tant mâles que femelles, né et à naître en loyal mariage… »

En ce qui concerne Pierre Boucher, tout comme Charles Le Moyne, il fut un excellent guerrier et un interprète. Il fut surtout gouverneur de Trois-Rivières: il a donc usé de son influence politique. Les Jésuites ont été les premiers, sur la rive sud de Ville-Marie, à se faire octroyer, en 1647, une concession à partir de la gigantesque seigneurie de La Citière. Dans ce cas, la concession avait été octroyée pour récompenser les Jésuites de leurs efforts d'évangélisation auprès des Amérindiens ou plus précisément pour « attirer les peuples sauvages du dit pays à la connaissance du vrai Dieu ». La seigneurie de La Prairie de la Magdeleine fut considérée par les Jésuites comme une véritable mission.


À l'intérieur de la seigneurie, le seigneur possède ses propres terres sur lesquelles il exerce sa propre juridiction et qu'on désigne sous le terme de domaine. Ce domaine est inévitablement situé au centre du littoral qui donne sur le fleuve Saint-Laurent.

Le domaine de Charles Le Moyne s’étend, à l'origine, c'est-à-dire avant son expansion territoriale, sur 12 arpents de front par deux lieues de profondeur, puis, en 1723, alors que le territoire de la baronnie s'étend jusqu'au Richelieu, il occupe 10 arpents de front par 30 arpents de profondeur, soit, au total, 300 arpents. Celui de Pierre Boucher est de 3 arpents et 6 perches de front par deux lieues de profondeur. Le domaine des Jésuites totalise 259 arpents: c'est très peu compte tenu de la superficie totale de la seigneurie. Dans tous les cas, les domaines sont appelés à une réduction progressive de leur superficie. En aucun cas, donc, il n'y a eu augmentation territoriale de ces domaines. Par exemple, le domaine seigneurial de La Prairie de la Magdeleine se limite vite à un petit quadrilatère du village, ayant front sur le fleuve Saint-Laurent, longeant la rue Saint-Jean et s'arrêtant à la rue Sainte-Marie.

Le domaine du seigneur constitue normalement l'embryon du futur village. C'est là que sont construits le manoir et la chapelle. Le moulin est normalement à proximité, comme à La Prairie de la Magdeleine et à Longueuil.



Les propriétaires des seigneuries possèdent, sur leur domaine, un manoir. Cette habitation, souvent luxueuse et relativement grande, sert au départ de lieu de culte, de bureau pour le notaire, mais aussi de résidence permanente ou occasionnelle comme c'est le cas pour Charles Le Moyne qui habite plutôt Ville-Marie. Le manoir de ce dernier, construit en pierres, a une superficie de 13,5 mètres par 7,5 et serait aujourd'hui situé à l'angle sud-est du chemin de Chambly et de la rue Saint-Charles, à Longueuil. Le manoir de Pierre Boucher est une maison de pièces sur pièces de 12,8 mètres de long par 6,7 de large.


Les seigneurs s'engagent à faire construire un moulin dans leur seigneurie. Le premier moulin de Longueuil est construit en 1669, soit dès l'année suivant l'obtention du titre de seigneur par Charles Le Moyne. Ce moulin à vent, de forme ronde et en pierres, est situé sur le bord du fleuve Saint-Laurent, tout près du ruisseau Saint-Antoine, du côté est. Le ruisseau Saint-Antoine coule à l'est et à proximité du chemin de Chambly. Les historiens Jodoin et Vincent font état de l'existence d'un moulin à eau de l'autre côté du ruisseau, soit du côté ouest, qui aurait été construit au début des années 1750, mais qui aurait été détruit au début des années 1800. Pendant le Régime français, les meuniers recensés dans la seigneurie de Longueuil sont Mathurin Grain (1669), Jean Sicart (1678), Jean Thiberge (1683), André Bouteiller (de 1683 à 1699), Laforest (1686), Jean Gibaud dit le Poitevin (1701), Guillaume Dépatis (1713), Thomas Simon (1724), Charles Bréard dit Laroche (1745-1763), Antoine Cusson dit Lange (1751), Roland Magué dit Chateauneuf (1754), François Pattenote (1757) et Jean Olivier (1761-1763).

Dans le fief Du Tremblay, les droits de banalité du moulin à vent sont vendus, en 1761, par Marguerite Puisgibault, seigneuresse du fief Du Tremblay, à François Viger, de Boucherville.

La seigneurie de La Prairie de la Magdeleine possède deux moulins. Le premier, un moulin à vent, est construit sur le bord du fleuve Saint-Laurent, près de la commune et du fort de La Prairie, vers 1671; le second, un moulin à eau, est construit, en 1718, par Guillaume Jourdain, à la côte Sainte-Catherine, à l'embouchure de la rivière Portage. Le moulin à vent existe toujours, en 1768, puisqu'il est loué à Jacques-Edmé Colon dit Davignon. Le moulin à eau est abandonné au début des années 1750 et remplacé par un nouveau, construit à la frontière entre la seigneurie de La Prairie de la Magdeleine et celle de Sault-Sainte-Marie. Pendant le Régime français, au moins 16 meuniers ont œuvré dans la seigneurie de La Prairie de la Magdeleine.

À Boucherville, on compte deux moulins. Un moulin à vent, en pierres, est construit vers 1689. Il fait face au fleuve et est situé près du fief de Muy. Un autre moulin à farine, construit presque en même temps, est situé près du deuxième rang, du côté ouest, près du chemin Montarville.

À Saint-Bruno, on construit le premier moulin en 1725. C'est un moulin à eau qui sert à la fabrication de la farine. Le moulin appartient à Charles Le Moyne fils et à Pierre Boucher de Boucherville. En 1731, Charles III Le Moyne vend ses parts et, en 1740, René Boucher de la Bruère en devient le seul propriétaire. En 1741, il fait construire un second moulin à farine, en pierres, qui est largement rénové en 1761. En 1742, il ajoute un autre moulin pour y établir une tannerie. Finalement, le seigneur fait construire un moulin à scie, en 1758.


De temps à autre, le seigneur doit prêter acte de foi au roi. Au cours de la cérémonie, il doit s'agenouiller devant le procureur du roi, tête nue, évoquant de cette manière son infériorité par rapport au roi. Cet acte constitue ainsi un gage d'obéissance et de soumission. La cérémonie est cependant purement symbolique.

À Longueuil, les seigneurs font acte de foi et hommage en 1676, 1695 et 1723. À Boucherville, le seigneur fait son devoir en 1676 et 1723.

Extrait d'un acte de foi et hommage de Pierre Boucher en 1676:

« Est comparu devant nous Pierre Boucher, escuyer, Sr de Grosbois et de Boucherville, Vassal et homme lige du Roy notre Sire, auquel il a rendu en nos mains la foy et hommage qu'il est tenu de luy faire et porter à cause de son fief, terre et justice et Seigneurie de Boucherville… qu'il tiendra et fera tenir feu et lieu sur la dite Seigneurie, qu'il stipulera la même chose dans les contracts qu'il fera à ses tenanciers; qu'il conservera les bois de Chesnes qui se trouveront sur la terre qu'il sera réservée pour faire son principal manoir qui seront propres à la construction des Vaisseaux; qu'il fera la réserve des dits chesnes dans l'estendue des concessions qu'il fera à ses tenanciers… requérant le dit Sr Boucher qu'il nous plaise au nom de Sa Majesté de recevoir à la dite foy et hommage à laquelle nous l'avons receu et recevons par les présentes sauf les droits du Roy et de l'autruy en toutes choses et a fait le serment de bien et fidellement servir le Roy et de nous avertir et nos Successeurs s'il apprend qu'il se fasse quelque chose contre son service… »


Dans cet acte, le seigneur avoue solennellement sa vassalité soit « estre homme et sujet du roy » et il a l'obli- gation d'énumérer les possessions qui composent sa seigneurie. Il doit ainsi indiquer de façon détaillée ce que comporte son domaine, puis le nombre d'arpents octroyés, les bâtiments, le nom des propriétaires ainsi que les rentes et les servitudes exigées. Cet acte doit être passé devant un notaire.

La seigneurie de Longueuil compte trois aveux et dénombrements soit ceux de 1677, 1695 et 1723. Boucherville en a tenu un, en 1724. Il faut aussi ajouter l'aveu et le dénombrement du fief de Muy en 1705 et en 1723. La Prairie en a un en 1677.

Exemple d'une partie du dénombrement de 1695 à Longueuil:

« Jean-Baptiste Mesnard, possede en laditte seigneurie, soixante arpents de terre, scavoir, trois arpents de large, et vingt arpent de profondeur chargé de douze deniers pour chacun arpent de rente fonciere, trois deniers de cens, un chappon de rente pour chacun arpent de large, et de quinze sols par feu pour droict de commune. »


Le seigneur doit réserver le bois de chêne au roi pour la construction de sa flotte royale.


Le seigneur a l'obligation de mettre à la disposition des censitaires une commune, c'est-à-dire un terrain qui est accessible aux censitaires. Ceux-ci y font normalement l'élevage du bétail tant et aussi longtemps que leurs propres terres ne donnent pas des résultats satisfaisants à cet égard. Ce terrain communal devient rapidement inutile pour les habitants de la seigneurie et constitue même un irritant puisque que les censitaires doivent payer le droit de commune, qu'ils utilisent ou non cette commune.

À La Prairie de la Magdeleine, la commune, dont la charte est octroyée en 1694, longe la très grande majorité de la côte Saint-Lambert. Il y en a une autre au sud du chemin de fer du Canadien National où étaient situées la Laprairie Brick Co. et la St. Lawrence Pressed Brick Co.

À Longueuil, la commune est un terrain comprenant notamment l'actuel parc Paul-Pratt et le cimetière du chemin de Chambly et sur lequel les concessionnaires de la seigneurie ont le droit de pacager leurs animaux. Ces concessionnaires ont cependant des obligations, dont celle de défricher, une fois par année, le terrain de la commune et, surtout, d'y entretenir le chemin de Chambly. Ce droit de commune figure dans les actes notariés des toutes premières concessions de 1675 comme suit: « ledict seigneur audit acquereur le droit de commune sur la devanture a commencer a l'alignement de monsieur de Varenne et continuer jusqu'au domeyne dudict seigneur d'en bas au desoubs du moullin et pour le hault depuis le domeyne dudict seigneur jusques a l'alicquement desdicts Reverends Pere Jesuittes avec quatre vingt arpens de bois ou prairye sy elle sy trouve.»

L'aveu et dénombrement de 1723 démontre que seuls les 39 concessionnaires ayant des terres avec accès sur le fleuve ont droit à la commune. Dans les années 1800, les parts sont cependant de 46, certains lots sur le fleuve ayant été subdivisés. La commune devient alors de plus en plus inutile puisque les propriétaires ne peuvent en jouir individuellement; dans certains cas, elle représente même une corvée à laquelle plusieurs auraient voulu se soustraire. Une loi, entrée en vigueur le 26 mars 1830, prévoit la nomination d'un arpenteur pour diviser le lot, tout en y préservant un espace, pour la chapelle, de 15,24 mètres de front sur le chemin de Chambly jusqu'à 1,5 mètres derrière l'emplacement de la chapelle. Les propriétaires de la commune en viennent à un accord, en 1832, sur la division des terrains entre eux. Elle cesse d'exister à la fin des années 1830.


Le seigneur doit voir à ce que les censitaires tiennent feu et lieu sur leurs terres et que celles-ci soient labourées. Les Arrêts de Marly, en 1711, sont sans équivoque. Les seigneurs qui ne voient pas au défrichement de leur territoire, perdront, dans l'année qui suit ces arrêts, leurs privilèges et même leur seigneurie.


Le seigneur doit par ailleurs assurer la protection de sa seigneurie. Les attaques iroquoises à Lachine, en 1689, à Boucherville et au fief Du Tremblay, en 1695, forcent les seigneurs à adopter des mesures de sécurité draconiennes.


On fait mention de l'existence d'un fort dans la seigneurie de Boucherville dès 1687.

Dans la seigneurie de La Prairie de la Magdeleine, on décide, en 1688, de faire ériger une enceinte de pieux autour des maisons du village pour se protéger des incursions iroquoises. En 1704, malgré la Grande Paix de 1701, le fort est rénové. Dans son voyage en Nouvelle-France, en 1749, Pehr Kalm décrit ainsi le fort de La Prairie et son environnement:

« Le village est entouré de palissades, de quatre à cinq verges de hauteur, élevées autrefois, pour les protéger contre les incursions des Indiens. Hors de cette enceinte, il y a des jardins potagers et d'ornement, mais ils sont dépourvus d'arbres fruitiers. L'élévation du terrain, le long de la rivière, est à peu près nulle. »

À la côte Saint-Lambert (Brossard), on érige aussi un fort, en 1690, sur la terre de Pierre Roy où les habitants de la côte ont le droit d'utiliser la grange de Pierre Roy pour y entreposer leurs grains et la terre du propriétaire pour y amener leur bétail.


Vers la fin des années 1690, les terres concédées sont pratiquement toutes inoccupées. Il n'y a que de vieux bâtiments en ruines. Les maisons sont toutes regroupées sur la première terre voisine du fief Du Tremblay, appartenant à Jean-Baptiste Ménard, à l'est des limites de la seigneurie de Longueuil dans ce qui constitue alors le village du fort Du Tremblay. Le village Du Tremblay est donc situé dans la seigneurie de Longueuil et non dans le fief Du Tremblay.

Liste des habitants ayant une maison dans le fort du Tremblay.


  Nom Année
Jean-Baptiste Ménard 1698
  Michel Dubuc 1698
Étienne Benoist 1698
  Viau dit Lespérance 1699
Cadieu 1699
  François Lanctôt 1699
Chapacou, veuve de Boutillier 1700
  Succession Saint-Aubin 1703
Marie Bourdon 1710
  Jean Bougret dit Dufort 1711

Le fort Du Tremblay est construit en 1695, soit peu avant la construction du château fort de Longueuil. La raison en est fort simple. Cette année-là, Jean Deniau et son épouse, Hélène Dodin, meurent des suites d'une attaque iroquoise dans le fief Du Tremblay.

Entre 1698 et 1700, Charles II Le Moyne se fait construire une maison forte ou château fort comprenant quatre tourelles. Cette maison forte, de 68 mètres de front par 46 mètres de profondeur, est située à l'emplacement actuel de la cocathédrale Saint-Antoine de Longueuil. Les tours possèdent des meurtrières, c'est-à-dire de petites ouvertures. Elles permettent de faire de l'observation, mais surtout de pouvoir tirer des coups de fusil et d'être relativement bien protégé des projectiles ennemis. Le château fort ne possède cependant pas de pont-levis au-dessus d'un fossé, ni de chemin de ronde, c'est-à-dire d'un passage derrière une muraille qui permet à la milice de se déplacer rapidement. Le château ne possède pas non plus de créneaux, c'est-à-dire d'ouvertures au-dessus d'une courtine ou muraille très haute, qui permettent à la fois de faire de l'observation, mais aussi d'envoyer des projectiles.

Château fort de Longueuil.

Château fort de Longueuil.
Graphisme David St-Germain.
© Société historique et culturelle du Marigot.


Charles II Le Moyne vise trois objectifs: le premier est de permettre aux habitants de sa seigneurie de trouver refuge lors d'attaques iroquoises. Le second objectif est de se positionner pour obtenir le titre de baron. Ce qu'il réussit à obtenir dès la fin de la construction de son château fort, en 1700. L'octroi de son nouveau titre de noblesse fait mention de l'importance de cette construction dans la décision du roi.

« Pour se conformer à nos desseins dans l'établissement du Canada, il a fait une dépense considérable pour placer des habitants sur la terre et seigneurie de Longueuil, qui contient environ deux lieues sur le fleuve Saint-Laurent, sur trois et demye de profondeur, qui relève de nous, à haute, moyenne et basse justice, dans laquelle il travaille a etablir trois paroisses, et pour la conservation des dits habitants pendant la guerre, il a fait bastir à ses frais un fort flanqué de quatre bonnes tours, le tout de pierre et de maçonnerie avec un corps de garde, plusieurs grands corps de logis et une très belle église… »

Son troisième objectif était manifestement de faire revenir au pays son épouse retournée en France en 1689, peu de temps après l'attaque iroquoise à Lachine. Elle est effectivement de retour au pays en 1700. La forteresse devient rapidement caduque d'un point de vue purement militaire puisque, dès 1701, la Grande Paix est signée avec les nations indiennes.


Les habitants des seigneuries sont soumis à des droits seigneuriaux qui sont exigés en retour des terres qu'ils exploitent.


Le cens est une modeste redevance monétaire annuelle et perpétuelle, une sorte d'impôt fixe, imposé au censitaire, c.-à-d. un habitant qui a obtenu une concession, par le seigneur de qui il a obtenu sa terre. Le censitaire doit ainsi payer au seigneur de un demi-sol à un sol par arpent de front, consacrant ainsi l'assujettissement symbolique du censitaire au seigneur. Il s'agit donc, plus ou moins, d'une perpétuelle « taxe de bienvenue ».


La rente est une obligation qui consiste, par exemple, à donner au seigneur une certaine somme d'argent et des animaux, comme des chapons, ou une combinaison des deux. Cette rente foncière s'établit à environ 20 sols par arpent de front et constitue en quelque sorte le loyer de la terre concédée en retour de l'usufruit à perpétuité de la dite terre.

Perception du cens par le seigneur.

Perception du cens par le seigneur.



Les habitants doivent payer au seigneur une certaine somme d'argent pour la commune.

Des droits sont prélevés pour l'utilisation du moulin seigneurial. En principe, les censitaires sont obligés d'utiliser le moulin seigneurial de leur seigneurie sauf si le meunier ne peut répondre à la demande ou que le moulin ne fonctionne plus.


Le censitaire qui négocie le droit de pêche avec le seigneur doit normalement lui remettre une partie de ses prises, le vingtième poisson, par exemple.


À chaque fois qu'un censitaire vend sa terre ou l'échange, il doit payer au seigneur un pourcentage du prix de vente, normalement le douzième du prix de vente. Or il y a un nombre considérable de ventes et d'échanges entre les années 1670 et 1700. Il s'agit là d'une taxe fort lucrative pour le seigneur.


Le seigneur a la possibilité de reprendre une terre si celle-ci est vendue par le censitaire à une valeur inférieure à sa valeur réelle. Il peut aussi reprendre la terre d’un censitaire qui ne remplit pas ses obligations.

Moulin à vent.

Moulin à vent.
Graphisme David St-Germain.
© Société historique et culturelle du Marigot.

Chaque censitaire doit, chaque année, au seigneur l'équivalent d'environ quatre jours de travail, non rémunérés, pour entretenir les chemins, la commune, le château, le moulin…



Le seigneur a droit d'avoir un banc bien en vue, soit le premier devant le maître-autel ou encore dans le chœur de l'église. Lors des processions, il précède, avec sa famille, tout le reste des fidèles. Il doit être le premier à recevoir la communion, après le prêtre. Lorsqu'il y a aspersion d'eau bénite, le curé doit la lui donner de façon distincte. Il est de coutume que la dépouille du seigneur soit ensevelie dans la crypte de l'église.


Le seigneur peut recevoir l'acte de foi et hommage de la part de ses censitaires. Ceux-ci lui doivent d'ailleurs le respect. On a enregistré l'octroi de 242 seigneuries au Québec. Le régime seigneurial est partiellement aboli, en 1854, lorsque l'Acte pour l'abolition des droits et devoirs féodaux dans le Bas-Canada est adopté, mettant ainsi un terme aux droits féodaux et il est totalement aboli, en 1935, lorsque la Loi abolissant les rentes seigneuriales est sanctionnée, éliminant du même coup les rentes constituées.